Pérou

Cuzco

Le jeudi 8 juillet nous prenons donc l'avion vers Cuzco, les longues promenades en bus étant… longues !

L'aéroport d'Arequipa est entouré de sommets enneigés, l'image de l'avion avec ce décor est superbe. Comme le vol n'est pas long, une quarantaine de minutes, nous ne volons pas plus haut que les sommets de la cordillère autour de nous. Les paysages survolés sont, encore une fois, magnifiques.

Nous arrivons à Cuzco, nombril du monde et capitale des Incas démolie par les espagnols lors de leur visite au 16ème siècle. La ville possède encore de nombreux murs qui sont la base des maisons coloniales espagnoles. La Plaza de Armas, construite sur un espace cérémonial inca, est sublime, bordée par deux églises, des arcades et des ruelles qui montent (elles redescendent aussi..) lui donnent un charme fou.

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A peine arrivés, nous savons que nous resterons longtemps dans cette ville. Nous prenons le temps de la découvrir à pied et de nous habituer à son altitude. Sur la place, une plaque commémore l'arrivée de Christophe :

" A los quinientos anos, gloria y honor a las victimas anonimas de la invasion y a los heroes de la resistencia andina… Y NO PODRAN MATARNOS - Qosqo el 12 de octubre de 1992"

(Aux cinq siècles, gloire et honneur aux victimes anonymes de l'invasion et aux héros de la résistance andine. Ils ne nous tuerons pas. Cuzco le 12 octobre 1992)

Cette inscription prouve que 500 ans après, l'arrivée des espagnols est toujours mal perçue par les incas locaux… !

Une petite déception, il ne nous sera pas possible de faire le chemin de l'Inca, trek de 4 jours pour arriver au Machu Picchu, nous sommes en haute saison et la prochaine disponibilité est pour le 9 août…

Nous commençons le tour de la vallée sacrée des Incas par ce qui est le plus proche de Cuzco, la citadelle inca de Sacsahuaman.

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Cuzco est au fond d'un vallon, la citadelle est en haut. Le tout est à 3500 mètres d'altitude. Notre progression pour monter est des plus lentes. L'air manque le long des marches et nous regardons le paysage plus souvent que nécessaire !

Mais cela vaut le coup. Nous découvrons une construction magnifique de précision, surtout quand il s'agit de blocs de pierre de ces tailles. Les formes sont assez fantaisistes, mais il est parfaitement impossible de passer une lame de canif entre les différentes pierres dont la plus grande, qui dépasse les huit mètres et est estimée à plus de 300 tonnes.

L'ensemble des murs forme trois vagues superposées, ce qui doit avoir une signification qui nous échappe et qui échappe à beaucoup. Il s'agirait de fortifications, mais ce qui compte est l'adéquation entre les pierres et leur environnement. Et là, bravo les Incas !

Nous montons encore, pour voir le site de Kenko à 5 Km de Cuzco. Surprenant !

Vu de l'extérieur, il s'agit d'un ensemble de rochers, dont certains sont vaguement taillés, mais si l'on prend la peine de se faufiler, on rentre à l'intérieur d'une chambre sacrificielle, invisible de l'extérieur.

Tout est prévu pour faire dégorger le lama, ou la vierge. Une petite rigole permet de canaliser le sang des victimes afin qu'il puisse nourrir la Pachamama (la terre). On comprend mieux pourquoi tout est invisible de l'extérieur, certaines images devant être interdites aux mineurs !

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Le lendemain, nous poursuivons, en bus cette fois, l'exploration des abords de Cuzco avec Puca Pucara, la forteresse rouge dominant trois vallées et porte d'entrée vers la vallée sacrée et Tambomachay, ou bain de l'Inca qui venait ici pour ses ablutions. Eau froide et plus de 3700 mètres, il ne devait pas se laver tous les jours. Quand on prend le bus, on se rend bien compte que cette tradition s'est largement perpétuée…

Pour cette raison, nous faisons à pied les 8 Km qui nous séparent de Cuzco. La nuit tombant vite dans la région en hiver, nous nous faisons de belles frayeurs mais jouissons d'une vue de Cuzco by night très romantique.

Nous croisons, dans le noir, les péruviennes vendeuses de bibelots qui rentrent chez elles. Outre leur lama d'exposition et leurs gamins sur le dos, elles se portent un baluchon d'enfer. Leur vie n'est pas des plus faciles et notre sac à dos nous semble alors plus léger pour quelques centaines de mètres !

La vallée sacrée : Pisac

Nous nous dirigeons également vers Pisac, haut lieu de la vallée sacrée à 30 Km de Cuzco et imposante forteresse en interdisant l'accès aux personnes non munies de badges. Le dépôt de bus pour nous y rendre se trouve au fond d'une espèce de cour, mal tenue, voire assez pourrie.

Le bus aussi.

Encore une fois, nous traversons des paysages magnifiques. La ville elle-même ne présente d'intérêt que pour son marché et certainement pour sa place, recouverte par le susdit marché. Celui-ci est à 90% touristique. C'est dire son intérêt ! Nous allons aussi sec vers les 10% de la partie "locale", baignée de couleurs et d'odeurs fortes.

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Principalement des légumes et des fruits. Le maïs et les pommes de terre sont présents sous des formes et des couleurs inconnues chez nous.

Direction forteresse ensuite, par le biais d'un taxi, car elle domine vraiment trop la ville ! Le site est incroyablement situé. De (trop) nombreuses marches à gravir et des chemins à flanc de montagne qui font froid dans le dos, ce qui, avec la transpiration n'est pas bon du tout.

Nous bénéficions de la plus grande partie de la ville fortifiée pour nous tout seuls, car les cars de tourisme ne font qu'un arrêt réduit et leurs passagers, gavés de conneries achetées au marché ne peuvent en faire qu'une toute petite partie. Ils auront par contre la chance de faire la totalité de la vallée sacrée en une seule journée.

Les veinards !

Tout en haut, le panorama arrache un maximum. Trois vallées se rencontrent au pied de la forteresse (c'est un peu pour cela qu'elle est là !). Nous découvrons des villages complètement invisibles sur le flanc de la montagne en face et des vestiges très honorables de portes incas (elles sont en biais), des tours de guet, un centre de cérémonies et tout ce qui est nécessaire à un inca moyen dont des traditionnelles cultures en terrasse et des entrepôts pour la conservation des denrées.

Heureusement que le paysage est fantastique, car pour passer d'un point à un autre dans le site, il nous faut sans cesse monter et descendre, ce qui est épuisant. On espère bien que les prochains Incas construisent leurs sites en Belgique. Ce sera plus facile à visiter !

Nous avons pris notre temps et prenons le dernier bus pour Cuzco, celui là même qui ramène les retardataires du marché. Il est donc plus que plein et nous faisons le retour debout, coincés dans l'allée centrale. Mais nous sommes encore tellement jeunes ! Et puis, de 4 soles (1 euro), le voyage ne nous coûte plus que 2 soles car nous sommes debout….

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Le lendemain, 14 juillet nous désirons poursuivre notre exploration de la vallée, mais c'est jour de "paro nacional" (grève nationale) et Cuzco est une ville morte. Pas de bus, pas de taxis, les magasins sont fermés. De nombreux flics, débonnaires sont postés à droite et à gauche (plutôt à droite vont dire certains nostalgiques de la révolution de 1968).

Différents cortèges, que nous suivons, vont en direction de la Plaza de armas, haut lieu de tout à Cuzco. Quelques pneus brûlent sans conviction par-ci par là. Les manifestants sont pourtant de véritables travailleurs et défilent sous des bannières dont le contenu est assez obscur pour nous, sauf celles qui prédisent un avenir négatif, voire définitif au président Toledo.

Des chants révolutionnaires scandent les pas des manifestants. Un 14 juillet, nous ne pouvons qu'être de tout cœur avec eux ! Et vu les conditions de vie des péruviens on est de tout cœur avec eux les autres jours !

Contrairement à nos manifestations où les participants sont les uns à côté des autres, ici le cortège s'étend sur plusieurs centaines de mètres, mais sur deux files. Les manifestants sont les uns derrière les autres !

Propina !

Profitons de cet intermède à Cuzco, afin de présenter les péruviens chasseurs de touristes. Nous les appelons les "propinas", version espagnole du mot pourboire. Ils sont de plusieurs sortes :

- Femmes en costume portant un enfant sur le dos,
- Vieilles femmes et lama,
- Jeunes enfants portant des animaux divers (agneaux, chiots…),
- Enfants déguisés en péruviens et travaillant en free lance.

Dans chacun des cas, le but pour eux est de repérer un porteur d'appareil photo et de se placer devant en proposant de se faire prendre (en photo !) contre rétribution. Au bruit du déclenchement, jaillit le mot "propina !".

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Autres chasseurs de dollars sur pattes, les vendeurs de tout et qui proposent ce tout aux touristes : cartes postales, poupées en laine, bonbons, cigarettes, aquarelles qu'ils ont tous fait eux-mêmes, images pieuses, calebasses, bijoux, ceintures tressées qu'ils ont tous fait eux-mêmes aussi, yoghourts, eau, portes bouteilles (mais pas de portes yoghourts, il y a donc un créneau !), flans indéterminables, piles, colle forte, ficelles….

Il est difficile de faire plus de trois mètres sans en rencontrer un. Ce qui peut lasser… Mais bon, c'est leur boulot. Un "no, gracias" leur fait comprendre qu'on ne va pas faire affaire et le plus souvent, ils passent à un autre touriste…

Pour rester dans le domaine des petits vendeurs, nous avons eu l'occasion de discuter avec l'une d'elle qui portait un bébé sur le dos. Comme toujours éblouissant de beauté (les enfants deviennent laids plus tard).

La conversation passe sur le bébé, après avoir acheté un porte bouteille. On lui demande l'age qu'il a : quatre mois. Elle demande à Line si elle a des enfants (les hommes n'ont pas d'enfant au Pérou !), Line lui répond que nous en avons deux d'âge avancé…

Elle est vraiment étonnée de notre faible quantité de reproduction, car elle, elle en a déjà 5 et elle a à peine 25 ans ! On suppose qu'elle prend ses informations sur la contraception auprès des vieux croulants de Rome.

Et c'est un grave problème péruvien : de nombreuses adolescentes se retrouvent avec un bébé, par faute d'information sexuelle dans les écoles, quand elles vont à l'école (le plus souvent religieuses). Leurs mères considèrent en outre qu'à 15 ans elles sont encore des enfants et ne leur donnent pas l'information qu'elles n'ont pas eues elles-mêmes. La religion (90% de catholiques au Pérou) n'étant pas un facteur des plus positifs pour résoudre ce gros problème.

La vallée sacrée : Chinchero

Le 15 juillet, nous prenons de nouveau le bus pour visiter Chinchero.

Autre grand site inca. Nous débarquons dans un endroit assez isolé et plutôt désert. Quatre touristes en tout ! Nous apprenons que Chinchero est visité à partir de 17 heures par les bus qui charrient les touristes venant de Pisac et terminant leur folle journée ici.

Tout est donc très calme, les cultures en terrasses nous sont réservées, l'église étonnante avec son plafond en bois peint, devant elle, la place, vide et sur le côté, un espace d'herbe nous donne un instant de bonheur : des femmes et des hommes chargés de vendre les babioles aux touristes du soir sont réunis et dansent !

Nous restons deux bonnes heures à voir vivre ces gens dont nous découvrons, enfin, qu'ils peuvent avoir des tranches de distraction et de joie. Trois musiciens sont la pour donner le rythme (flûte indienne, guitare et une percussion) et la danse est tout à fait improvisée et surtout à leur usage et pas à notre destination de touristes. C'est un moment rare que nous savourons.

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Nous prenons aussi conscience que notre choix de découverte est le bon : nous sommes parfaitement libres de notre temps et non pas tributaires d'horaires de bus ou de tours opérateurs.

Nous profitons de cette liberté pour monter en face du village sur un sentier que nous avons repéré et qui nous fait dépasser les 4000 mètres d'altitude (Chinchero est à 3800) et surtout qui nous offre une vue à couper le souffle sur des sommets enneigés en face de nous. Nous sommes absolument seuls au monde !

Deuxième grand instant de bonheur dans la journée.

Nous redescendons au moment où le site, en face commence à se remplir de gens fatigués qui ne restent que sur la place du marché sans aller sur les terrasses plus difficiles d'accès…

Las salinas

Le 16 juillet, nous partons sur la route de Moras où nous nous faisons déposer par le bus en pleine campagne dans le but de rejoindre à pied Las salinas, salines en terrasses construites par les Incas et toujours en exploitation. Nous sommes encore seuls dans un paysage sublime : notre chemin est sur un plateau dominé sur les côtés par des collines de moyenne hauteur et en face par des montagnes couvertes de neige. Nous avons oublié de nous retourner pour savoir ce qu'il y avait derrière nous…

Sur 10 kilomètres, nous bénéficions de paysages magnifiques avec et c'est de la chance, une lumière sans cesse changeante. Nous rencontrons quelques bergers et des paysans qui extraient les grains de blé des épis en les faisant piétiner par des ânes. Moyen age assuré !

Des scènes à la fois incroyables et belles. Nous quittons le plateau pour entamer la descente vers les salines que nous trouvons devant nous au détour d'un virage. Presque à l'improviste.

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Là encore, la vision est étonnante : 4000 bassins d'évaporation en terrasses sont devant nous sur plusieurs centaines de mètres de large et quelques dizaines en hauteur. A l'une des extrémités, une source d'eau salée sort de la falaise. Cette source est divisée en de nombreuses rigoles chargées de remplir les bassins qui une fois pleins sont fermés et attendent que le soleil fasse son travail.

Mais le vrai labeur vient ensuite, avec les personnes chargées de récolter le sel et de le remonter dans des bassines. Un travail de forçat, en plein soleil. Nous traversons à pied la partie haute et nous nous rendons compte de l'étroitesse des chemins qui font communiquer les différents bassins à flancs de colline. Le soleil sur le sel blanc n'étant pas un facteur facilitant un bon équilibre !

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Nous redescendons, toujours à pied vers la vallée en direction de la ville d'Urubamba pour prendre un bus vers Cuzco. Après cette promenade de 16 kilomètres, notre bus, même s'il est sale et plein à craquer nous semble une oasis de fraîcheur et de repos !

Samedi 17 juillet, l'un des premiers jours de pluie, nous paressons au lit une bonne partie de la journée. En fin de soirée nous allons prendre notre chocolat chaud chez Pi, dans les quartiers hauts de Cuzco, un lieu très baba dans lequel nous nous sentons bien, d'autant que le chocolat est onctueux et qu'un jeune chaton ne demande qu'a être pris sur les genoux.

Le dimanche, nous retournons sur le site de Sacsahuaman pour prendre le soleil et lire un peu. Les étendues d'herbe sont couvertes par des équipes de foot improvisées et nous montrent une adaptation très réussie des incas à la vie moderne.

Lundi matin, nous allons acheter nos billets de train pour Aguas Calientes, antichambre du Machu Picchu. Ensuite, nous continuons la visite des monuments de la ville, dont la Cathédrale.

Ce magnifique monument, en trois parties est la meilleure représentation de la religion au Pérou : elle est un étalage d'or et d'argent et surtout d'impressionnantes hauteurs d'autels clairement destinées à rabaisser, s'il en était besoin, le péruvien pauvre de base. Afin de le rabaisser encore plus, une sorte de char en argent massif supportant un saint quelconque est promené dans la ville aux grandes occasions. Cet étalage d'argent est scandaleux dans un pays aussi pauvre.

Les manifestations du 14 juillet se déroulaient devant la cathédrale. Espérons que lors des prochaines la porte sera franchie pour y mettre le feu ! Ce serait vraiment un pas vers une libération, tant est obscène le déballage d'argent et grande la volonté d'écraser le peuple. Nous verrons par la suite des églises beaucoup plus conviviales qui respectent les individus et où un échange paraît possible entre la religion et les hommes.

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Lorsque nous sommes passés devant un des nombreux autels, un guide précisait que les fleurs, nombreuses, venaient des familles pauvres de la ville. Il y a encore pas mal de travail avant les premières flammes…