Lundi 20 juillet, nous nous levons à 6 heures pour aller prendre notre train. Bien que "Backpacker", c'est à dire de tarif inférieur, le train est très confortable.
Après avoir quitté la gare de Cuzco (qui se trouve dans une cuvette, on s'en souvient), le train ne cesse de faire des marches avant et marches arrière d'un aiguillage à l'autre. On se rend assez vite compte que le but de la manœuvre est de monter la colline ! Le train monte en zigzag en changeant de voie à chaque aiguillage. La nouvelle voie, qu'il prend soit en marche avant, soit en marche arrière est une voie qui monte !
La côte gravie, nous prenons une voie en lacet, pour franchir une autre difficulté ! Pas courant comme situation !! Nous pouvons voir le soleil se lever sur la ville et plus tard nous nous rendons compte que les champs aux alentours sont couverts de givre. Nous avions oublié l'altitude et l'hiver…
A chaque fois que le train coupe une route, ses sirènes retentissent, car il n'y a pas de passages à niveau. Même chose en cas de présence de troupeaux ou d'enfants sur le bord de la voie. Car la présence d'une voie de chemin de fer n'arrête pas la vie qui se pousse seulement au moment où le train passe.. Impensable en France !
Le train étant loin du standard de vitesse des TGV nous laisse du temps pour voir le paysage et les activités locales : ici, dans les champs, des paysans sèment, sacs à l'épaule, là des bœufs tirent des charrues pour tracer les sillons. Près d'une gare, des tables sont installées à quelques mètres des voies et des gens mangent leur soupe. Nous passons à raz des habitations et nous voyons la vie s'éveiller, les enfants partant à l'école, ou bien au travail…
Nous changeons de vallée, toujours par le système des allers-retours et des aiguillages, pour longer l'Urubamaba dont le débit est très élevé, signe de notre descente rapide. La végétation devient plus luxuriante voire tropicale, le canyon devient plus encaissé. Notre voyage nous porte de 3600 à un peu plus de 2000 mètres d'altitude.
Au moment de passer le Km 82 (départ du chemin de l'Inca), un petit pincement au cœur, en voyant descendre les heureux élus…
Nous arrivons enfin à Aguas Calientes.
La vision est pour le moins étonnante : le train n'entre pas à proprement parler dans une gare, mais s'arrête dans la ville elle-même dont la voie de chemin de fer constitue le centre ! Nous descendons donc sur les voies, avec nos sacs à dos, le long de restaurants où des gens prennent leur petit déjeuner (il est 10h30). Les restaurants côtoient les boutiques dans un joyeux foutoir et au milieu, le train.
Ne sachant trop où aller, nous marchons sur les rails jusqu'à un chemin qui remonte vers le village.
Notre logement trouvé, nous explorons cette drôle de ville qui possède un certain charme. Entourée de hautes montagnes, elle semble comme posée la. La Plaza de armas (c'est le centre névralgique de toutes les villes du Pérou) est très calme, on se croirait en Provence. La raison de ce calme est qu'il n'y a pas de voitures : seul le train et les cars de tourisme vers le Machu Picchu ont droit de cité ici. Donc, pas de klaxons. Nous sommes assaillis par le silence, sensation qui surprend au Pérou.
L'après-midi est consacrée aux bains chauds (aguas calientes signifiant eaux chaudes) dans une sorte de piscine remplie d'eau sulfureuse et de germes, ainsi qu'au repérage du chemin menant au Picchu. Nous achetons des lampes de poche et de quoi boire et manger. Car notre objectif est de découvrir le site sans les touristes !
Le 21 juillet 2004, soit 35 ans après qu'Armstrong a marché sur la lune et tandis qu'Armstrong attaque l'Alpe d'Huez, nous faisons sonner le Palm (sorte de réveil péruvien, mais en mieux) à 3 heures 45. C'est dire notre motivation !
A 4 heures, nous sommes dehors, lampes à la main et un peu frigorifiés. Nous ne sommes plus qu'à 2000 mètres mais ce n'est pas la canicule. Des travaux ont lieu sur la voie ferrée et une femme propose du café et du thé aux passants (il n'y a que nous) et aux ouvriers présents.
La route pour quitter la ville est dans le noir le plus complet, Nous faisons les deux kilomètres jusqu'au chemin vers le Machu Picchu en ne rencontrant qu'un ouvrier lourdement chargé, lampe à la main également. Je n'ai pas le temps de lui demander son e.mail qu'il est déjà passé… Allez donc essayer de communiquer avec ces gens !
Ensuite, nous entamons la montée, toujours dans le noir, les marches taillées dans la roche étant plus ou moins éclairées par notre lampe. La montée est assez rude, aussi nous arrêtons-nous souvent pour admirer le ciel étoilé qui est magnifiquement dégagé.
A un moment, Line repère une étoile filante qu'elle me signale aussitôt et que j'ai le temps de voir au moins pendant 2 secondes. Spectacle fantastique, l'étoile traverse l'horizon perpendiculairement à nous et occupe une grande place dans le ciel.
Nous continuons à monter, en sueur malgré l'heure, pour arriver enfin à un peu moins de 6 heures à l'entrée du site. Nous sommes 8 personnes ! Mission accomplie. Le site ouvre quelques instants plus tard et nous continuons à monter sans rien apercevoir de spécial.
Et c'est au détour du chemin, presque par hasard, nous avons notre première vue sur le Machu Picchu. Une grande émotion, tant par le symbole de ce lieu jamais découvert par les espagnols, que par la beauté incroyable de ces bâtiments dans un site grandiose.
Au loin, le Huayna Pucchu, montagne noire, domine le site. Le soleil n'est pas encore levé et le tout est encore assez imprécis et cette imprécision ajoute à la majesté. On ne sait pas s'il il s'agit d'une maquette, tant tout paraît irréel mais pourtant tellement connu et attendu…
La citadelle, dont la véritable fonction n'est toujours pas clairement définie, a été découverte en 1911 par l'explorateur américain Hiram Bingham. Il semble que ce lieu ait abrité des prêtres, hauts fonctionnaires et vierges dont le travail était d'adorer le Dieu soleil (contrat CDI). On ne connaît pas la raison de son abandon par les incas, mais son emplacement, en haut d'une montagne abrupte le rendant invisible de la vallée, c'est au moins cela que les espagnols n'auront pas détruit.
Nous restons prés d'une sorte de maison qui domine le Picchu jusqu'au lever du soleil, vers 7 heures, Nous avons remis nos polaires et notre parka, car la température est basse et nous sommes trempés de transpiration. Les premiers rayons arrivent au-dessus du site pour éclairer les sommets neigeux en face. Puis le haut du Huayna Picchu est touché à son tour et la lumière touche enfin l'observatoire solaire, partie la plus haute du site.
D'autres personnes sont arrivées depuis 6 heures, mais le silence est absolu et c'est dans cette communion silencieuse que nous voyons le soleil prendre possession du Machu Picchu. C'est un moment riche en émotion que nous vivons alors
Une fois la scène éclairée, nous prenons possession du théâtre.
Le site lui-même se révèle alors que nous descendons le visiter. Sur la pelouse principale, des lamas paissent paisiblement. Scènes de grande beauté en plein milieu des montagnes…. Nous flânons parmi les quartiers supposés militaires, religieux ou d'habitation. Laissant un peu de côté les explications théoriques liées au site, nous nous laissons imprégner par sa majesté et son silence.
Vers 8 heures 30, les premiers cars apportant leurs lots de touristes, nous prenons le chemin du Huayna Picchu, la montagne qui domine le Machu Picchu. Nous inscrivons nos noms et l'heure de départ, pour le cas où…
Et nous commençons notre deuxième ascension de la journée !
Il nous faut 1 heure 15 d'efforts intenses pour parvenir au sommet. Le sentier est quasi vertical et toujours invisible quelques mètres avant. Le sommet semble nous échapper à chaque virage, mais il arrive et nous sommes récompensés par une superbe vue nord/sud de la citadelle.
Nous posons nos sacs pour prendre notre déjeuner, sandwiches fromage, barres de céréales, confiseries et autres reconstituants pour personnes âgées. Beaucoup d'eau également, car le soleil, si romantique il y a 3 heures, commence à taper.
Nous mastiquons tout en dominant la forteresse qui d'ici a perdu son côté altier et s'offre à nos yeux sans son relief, laissant deviner la forme de l'oiseau condor qui aurait donné son nom au lieu. Nous nous rendons mieux compte de la position des constructions, à cheval sur le sommet de cette montagne entourée d'autres sommets.
Nous voyons arriver, par le haut, le chemin de l'Inca et venant de la vallée, la route pour les bus. A travers la forêt et coupant cette route à plusieurs endroits, se faufile le sentier que nous avons gravis ce matin.
Nous redescendons au moment où les premiers touristes courageux viennent nous rejoindre. La descente n'est pas si évidente et attaque fort les rotules et les muscles des cuisses. Sans parler des plantes des pieds qui commencent à chauffer. En bas, une longue file de personnes désirant se rendre au sommet attendent leur tour pour donner leur nom. Devant notre mine un peu fatiguée, beaucoup nous demandent si c'est difficile !
Nous nous posons sur une des terrasses du site et enlevons nos chaussures. Le site est maintenant plein de touristes qui gambadent à la place des lamas…
Nous entamons la descente vers Aguas Calientes vers les 15 heures, après avoir englouti un gros sandwich à la cafétéria. En chemin, une péruvienne de Lima de 25/30 ans nous rejoint et nous discutons avec elle pendant la descente. Nous apprenons des choses très intéressantes sur la vie au Pérou, les conditions de travail, les salaires, la contraception et le machisme des péruviens.
Arrivés à l'hôtel, nous prenons une douche d'enfer et allons somnoler sur la Plaza de Armas en attendant de dîner…
Le lendemain, 22 juillet, notre train étant à 16h45, nous décidons, histoire de ne pas se rouiller de partir à l'assaut du Putucusi, autre montagne dominant le Machu Picchu.
Grand bien nous fasse !
Cette ascension, presque une escalade est terrifiante. Nous sommes seuls car le Putucusi n'est pas donné par les guides. C'est le patron de l'hôtel qui nous a refilé le tuyau… Deux morceaux de choix rythment notre calvaire : une montée en forêt tropicale, donc humide, dont une dizaine d'échelles, dont la plus grande fait plus de 80 mètres ! Entre les échelles, on est au bord de l'alpinisme, tant la pente est raide.
Ensuite, une partie dégagée, en plein soleil et qui monte à pic. Nous faisons des arrêts réguliers, puis de plus en plus réguliers. Nos poumons au bord des lèvres nous parvenons au sommet après 1h30 de montée. Encore une fois, nous sommes récompensés par une vue superbe sur les Machu Picchu et Huayna Picchu que nous dominons sur un axe ouest/est.
La vue est fantastique. On se rend mieux compte de la position du Machu Picchu, à cheval sur le sommet de la montagne en face de nous.
Mais, pressés par le temps, nous redescendons, les jambes flageolantes. A l'hôtel et bien que nous ayons rendu notre chambre le matin, nous pouvons prendre une douche, limite froide, mais salvatrice avant de sauter dans notre train pour quitter Aguas Callentes.
Après deux heures de voyage, moins confortable qu'à l'aller, mais deux fois plus cher, nous arrivons dans la nuit à Ollantaytambo, dernière ville de la vallée sacrée que nous avons décidé de visiter le lendemain. La gare est assez loin du village et de nuit, nous ajoutons deux kilomètres à nos chaussures afin de trouver un lieu où dormir.
Vendredi 23 juillet, nous visitons la forteresse inca sur laquelle les espagnols se sont un peu cassé les dents lors de l'invasion de 1530. Beaucoup d'escaliers, qui ne nous font pas peur, mais qui réveillent des souvenirs dans nos muscles des cuisses. Assez peu d'intérêt, somme toute et de nombreux touristes.
Seule la partie des bains, non mentionnée sur les guides se révèle plus intéressante par la complexité et l'ingéniosité des conduites d'eau pour alimenter le tout.
Sur la Plaza de Armas, là où se garent les bus de tourisme, nous découvrons un marché purement local à quelques dizaines de mètres des bus. Et pourtant, nous ne rencontrons aucun touriste dans ce marché. Et c'est tant pis pour eux, car le marché est magnifique. Très pauvre, mais d'une vie étonnante. Le rayon boucherie est peut-être légèrement à revoir en terme d'hygiène, mais l'ensemble est superbe. Nous pensions, au bout d'un mois de Pérou, avoir dépassé le choc culturel, nous nous apercevons ici, qu'il y a encore du travail !
Nous entrons ensuite dans la vieille ville qui a gardé sa structure inca, ce qui semble être le seul exemple au Pérou. Encore une fois, aucun touriste ! Encore une fois, nous nous félicitons de notre choix de voyage et de son corollaire, la curiosité.
C'est cette curiosité qui nous fait tellement pencher la tête dans l'embrasure d'une porte ouverte, que le propriétaire nous invite à entrer ! Rustique, pour le moins. L'homme demande à sa femme de chercher quelque chose. Elle monte au grenier et lance une botte d'herbe au milieu de la pièce (la pièce ?).
Aussitôt, une dizaine de cochons d'Inde sortent d'on ne sait où et commence à bouffer l'herbe. Avant d'être mangés à leur tour, car c'est leur destin ici. Cochon d'Inde se dit "Cuy" en espagnol. Histoire de faire attention sur les menus des restos…
En sortant, nous assistons à la fabrication des briques en adobe (mélange de terre et de paille). La encore, les procèdes sont rustiques mais efficaces. Une centaine de briques sèche déjà au soleil, pendant que trois jeunes garçons continuent à en fabriquer d'autres. Ils remplissent une forme en bois du mélange terre/paille et en pressent le contenu avec leurs pieds pour le rendre plus compact.
Il ne leur reste alors qu'à démouler la future brique afin de la laisser sécher et de recommencer l'opération. On a la chance, juste à quelques centaines de mètres de voir une maison en construction qui utilise les briques en adobe. Intéressant.
Nous prenons le bus pour Cuzco (via Urubamba) en tout début de soirée et nous regagnons notre base de départ et son froid.
Epuisés mais heureux !
C'est l'Argentine qui rencontrera le Brésil en finale de la Copa America. Dire qu'après on va enfin pouvoir manger sans foot dans les restos.